Un texte de Claude Tresmontant.

Publié le par Miteny

Entre l’animisme cosmique et le mythe théogonique, on oscille, accordant un peu plus à l’un ou à l’autre, selon les objections que l’on rencontre…  

Certains préfèrent dire que la vie et la conscience étaient déjà présentes dans la matière, d’une manière cachée, occulte, de tout temps : ils se heurtent à la science positive de la matière. La vie apparaît, en fait, lorsque la matière est organisée. Dire que la vie préexistait, d’une manière virtuelle ou potentielle, dans cette multiplicité que sont les nuées d’hydrogène ou d’hélium, c’est se payer de mots. C’est transformer notre concept positif de matière en une notion théosophique. 

Les savants, qui, comme par exemple Oparin, reconnaissent que la vie est réellement apparue à un moment donné, et qu’elle ne préexistait pas, se heurtent à la seconde difficulté : ils ont à expliquer comment la matière, qui est le premier être, le seul être initial, n’ayant pas en elle la vie ni la conscience, a su cependant produire, en s’organisant elle-même, des êtres vivants et pensants. La matière est devenue historiquement plus et autre chose qu’elle n’était primitivement et cela par ses ressources propres, puisqu’elle est, par hypothèse, le seul être. 

Pour se tirer d’affaire, dans cette pénible impasse, certains théoriciens, marxistes ou non, essaient de réduire le plus possible, de minimiser, au moins dans les formules, la réalité originale que constitue la vie, puis la pensée. Certains théoriciens marxistes, nous l’avons vu, définissent la vie comme étant « une forme particulièrement compliquée du mouvement de la matière ». 

Mais, nous l’avons noté aussi, cette définition est insuffisante, et par ailleurs, dans leurs travaux scientifiques, ces mêmes savants le reconnaissent implicitement et décrivent fort bien ce qui constitue l’irréductible originalité et spécificité du vivant. De même l’apparition d’un être capable de penser le monde et de se penser lui-même n’est pas seulement une « qualité » nouvelle du « mouvement » de la matière. C’est bien autre chose : l’acte de connaître ne peut être réduit à un « mouvement » de la matière. En tentant de réduire le plus possible la spécificité de la vie et de la pensée, ces formules nous ramènent en fait au matérialisme « vulgaire », prémarxiste, mécaniste. […]

 

 

 

Publié dans Métaphysique.

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D
"3) maximiser~révaluer~réenchanter la matière, qui est quelque chose de bien plus complexe et mystérieux que ce que l'on pense habituellement..."<br /> <br /> En effet, voilà une voie pationnante, dans laquelle il nous faut surement cheminer. Sans oublier, que personne ne sait ce qu'est réellement la matière. Observer des phénomènes, aussi extraordinaire soit-ils ne nous dit rien sur ce qu'est la matière, mais sur comment régit une réalité inconnue qu'on a nommer "maitère"...<br /> <br /> "Ensuite, de nombreux naturalistes ne sont même pas si radicaux, et se contente d'un naturalisme méthodologique qui se contente d'affirmer que toute chose qui puisse faire l'objet d'une connaissance..."<br /> <br /> Toute chose faisant l'objet d'une "observation" pas d'une connaissance... Qu'est-ce que réellement connaître ? C'est être. Faire un avec. Pas analyser.<br /> <br /> "doit pouvoir être décrite et testée objectivement, sans préjuger de l'existence éventuelle d'entités métaphysiques non testables."<br /> <br /> oui, c'est sûr. Mais, la pauvreté là, réside dans le fait qu'on observe que le secondaire de la réalité, c'est à dire l'observable, le percevable par nos sens et nos capacités cérébrales, en passant à côté de l'essentiel, ce qui n'est pas atteignable par nos sens et notre intellect. Et non-observable ne signifie pas inexistant.<br /> <br /> bye,<br /> did
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M
"Certains préfèrent dire que la vie et la conscience étaient déjà présentes dans la matière, d’une manière cachée, occulte, de tout temps : ils se heurtent à la science positive de la matière. La vie apparaît, en fait, lorsque la matière est organisée. Dire que la vie préexistait, d’une manière virtuelle ou potentielle, dans cette multiplicité que sont les nuées d’hydrogène ou d’hélium, c’est se payer de mots. C’est transformer notre concept positif de matière en une notion théosophique." --> dire que la vie ou la pensée se surajoute de l'extérieur à la matière, c'est tout autant se payer de mots et se heurter à la science positive... Si la matière a réellement des propriétés occultes intrinsèques, la science positive ne pourra jamais le nier ou l'affirmer, de même qu'elle ne peut nier ou affirmer l'existence d'une âme immatérielle. Tout ce qu'elle peut dire, à la limite, c'est qu'une telle hypothèse est inutile à rendre compte des faits.<br /> <br /> Enfin, je suspecte que ce qui te rend si suspect vis-à-vis de la matière est que tu en as une conception trop... mécaniste et réductionniste ! :-)<br /> <br /> Il y a en effet, une troisième voie entre 1) postuler une âme immatérielle pour rendre compte de la vie et de la pensée et 2) minimiser~dévaluer~désenchanter la vie et la pensée pour rendre compte de leurs origines matérielles ; c'est 3) maximiser~révaluer~réenchanter la matière, qui est quelque chose de bien plus complexe et mystérieux que ce que l'on pense habituellement...<br /> <br /> Quand un matérialiste dit que seule la matière existe, il faut bien comprendre de quelle matière il s'agit. Souvent, un matérialiste est plutôt ce que l'on appellerait un naturaliste. Ce qu'il considère comme la seule réalité, c'est tout simplement quoique ce soit qui puisse être décrit par un langage objectif.<br /> <br /> Ensuite, de nombreux naturalistes ne sont même pas si radicaux, et se contente d'un naturalisme méthodologique qui se contente d'affirmer que toute chose qui puisse faire l'objet d'une connaissance doit pouvoir être décrite et testée objectivement, sans préjuger de l'existence éventuelle d'entités métaphysiques non testables.<br /> <br /> Voir encore une fois les textes de talkdesign et de Lecointre.<br /> <br /> A+<br /> Miky
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