Le multivers de niveau 4.

Publié le par Miteny

J’ai pris la liberté de copier ici quelques extraits d’un article de Max Tegmark, professeur de physique et d’astronomie à l’université de Pennsylvanie.

 « Les conditions initiales et les constantes physiques des multivers de niveaux 1,2 et 3 peuvent varier, mais les lois fondamentales qui gouvernent la nature restent les mêmes. Pourquoi s’arrêter là ? Pourrait-il y avoir un univers obéissant aux lois de la physique classique, sans effets quantiques ? Ou bien un temps progressant par étapes au lieu d’être continu ? Dans le multivers de niveau 4, toutes ces possibilités existent.

Avant de rejeter cette possibilité au titre d’élucubration, nous devons considérer la correspondance entre les domaines du raisonnement abstrait et de la réalité observée. Les équations, et plus généralement les structures mathématiques, tels les nombres et les vecteurs, décrivent le monde avec une « déraisonnable efficacité » selon le physicien Eugene Wigner. Réciproquement, une étrange impression de réalité émane des structures mathématiques. Elles satisfont à un critère général d’objectivité : elles sont les mêmes quelle que soit la personne qui les étudie. 

Pour expliquer la correspondance entre les mathématiques et la physique, deux paradigmes s’opposent. Selon le premier, dit paradigme aristotélicien, la réalité physique est fondamentale et le langage mathématique n’en est qu’une approximation utile. En revanche, le paradigme platonicien affirme que la structure mathématique est la véritable réalité, les observateurs ne la percevant qu’imparfaitement. Pour un aristotélicien, la question de savoir pourquoi l’Univers est tel qu’il est n’a pas de sens : l’Univers est, tout simplement. Un platonicien, quant à lui, ne peut s’empêcher de se demander pourquoi il n’aurait pas pu être différent. Si l’Univers est mathématique par sa nature, pourquoi alors une seule parmi les innombrables structures mathématiques a-t-elle été choisie pour le décrire ? Le cœur même de la réalité semble être le fruit d’une asymétrie fondamentale.  

 

Afin de sortir de cette situation peu satisfaisante, j’ai proposé que la symétrie totale soit préservée : toutes les structures mathématiques existent également physiquement. Chaque structure mathématique correspond à un univers parallèle. Les éléments de ce multivers ne résident pas dans le même espace, mais existent en dehors de l’espace et du temps. La plupart d’entre eux sont probablement dénués d’observateurs. Cette hypothèse peut être vue comme une sorte de platonisme radical, affirmant que les structures mathématiques du monde des idées existent toutes dans un sens physique. L’hypothèse du multivers de niveau 4 conduit selon moi à des prédictions vérifiables. […] Des progrès conjugués en astrophysique et en physique des hautes énergies devraient éclaircir l’existence d’une coïncidence ou non dans l’ajustement des constantes fondamentales, ce qui décidera de l’avenir du multivers de niveau 2. […] Enfin, le succès ou l’échec du grand défi de la physique moderne (l’unification de la relativité générale et de la théorie quantique des champs) fournira des arguments (pour ou contre) le niveau 4. Soit nous trouverons une structure mathématique qui correspond exactement à notre Univers, soit nous nous heurterons à une limite au-delà de laquelle prend fin l’incroyable efficacité des mathématiques et nous devrons abandonner ce niveau. »

 Alors, toutes les structures mathématiques existent-elles aussi physiquement ? Le monde est-il platonicien ? Voilà des perspectives intéressantes. Si l’existence du multivers de niveau 4 était avérée, alors on pourrait voir là un vrai lien entre la physique et la métaphysique. Car enfin si le monde pris absolument est l’ensemble des structures mathématiques, c'est-à-dire l’ensemble de ce que la logique peut imaginer, on peut se demander pourquoi un lien si étroit entre l’esprit humain et l’univers existe.

 

Publié dans Science.

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